lundi 31 août 2009

39 - Nous sommes écartelés entre...

Nous sommes écartelés entre l'avidité de connaître et le désespoir d'avoir connu. L'aiguillon ne renonce pas à sa cuisson et nous à notre espoir.

3 commentaires:

  1. Nous sommes écartelés entre l'avidité de connaître et le désespoir d'avoir connu. L'aiguillon ne renonce pas à sa cuisson et nous à notre espoir.



    1-Comment je ressens cela ? Quelles images mentales me sont évoquées, apportées, provoquées par cet aphorisme de René Char ?

    On n'utilise plus que rarement le mot aiguillon pour désigner la pointe qui servait à piquer les animaux de trait pour les faire avancer, mais le sens est resté pour indiquer tout ce qui stimule ou qui est stimulé, avec le sens de particulier de la concupiscence dans l'expression « aiguillon de la chair ». Le poète emploie le mot « cuisson » pour désigner la piqure de l'aiguillon, car la douleur provoquée brûle effectivement, un peu comme dans l'expression française : « Il vous en cuira ». Voici donc les images concrètes qui se lèvent : un aiguillon métallique, éventuellement chauffé à blanc, qui lacère un être vivant, lequel se met en mouvement irrésistiblement.

    2-Comment je comprends ce qu'a voulu dire René Char ? Mes hypothèses de sens.

    Une réponse possible de LD :
    Je note que le poète emploie un lexique puissant, âpre et dramatiquement expressif : « écartelés », « avidité » (désir ardent et vorace qu'on ne peut modérer ou réfreiner), « désespoir », « aiguillon », « cuisson »...
    Nous imaginons que l'aiguillon est une métaphore de l'avidité de connaître, laquelle est plus que de la curiosité, mais l'impatience de savoir, un peu comme dans le mythe biblique de la « pomme de la connaissance ». Mais pour savoir quel mystère ? Les chances de réussites de nos actions ? Ou bien au delà le sens profond de notre destinée ? L'énigme de l'existence du mal, illustré par l'expérience nazie ?
    En tous cas, ce désir est tragique, car l'être humain en proie à ce désir est « écartelé », mot qui évoquait le supplice de l'écartèlement avant de prendre le sens d'être divisé cruellement entre plusieurs tendances contraires.
    Ces deux contraires opposés comme des pôles magnétiques sont clairement énoncés par le poète : le désir de « connaître » et « le désespoir d'avoir connu ». Toute connaissance ne serait donc que déception et déclassement ? On peut imaginer ici cependant le rôle positif de la maturité, celle que donne la fin de l'innocence qu'est toute sortie de l'enfance et de la naïveté. Après la guerre et le nazisme, le philosophe Adorno se demandera s'il est encore possible de faire de la poésie maintenant qu'on sait de quelle barbarie l'homme est capable. Mais René Char semble lui répondre par avance, par cette formule en chiasme (croisement) qui met en tension créatrice les couples opposés de l' « espoir » et du « désespoir » d'une part, de l' « avidité » et de la « cuisson » d'autre part.
    Cette avidité ou cuisson énigmatiques, c'est précisément la réponse que donneront souvent après guerre les Résistants comme cause de leur courage inexplicable : Parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement que de se révolter, de risquer leur vie. C'était plus fort qu'eux. C'est un aiguillon puissant dont la « cuisson » fait éprouver le « désespoir » et les découragements (les échecs et tragédies de la Résistance), mais qui seule est à même de maintenir malgré tout « l'espoir » auquel on ne « renonce » pas. Là aussi, cet aphorisme est envisageable dans d'autres circonstances que celles de la Seconde guerre mondiale, selon la célèbre formule offerte par la résistante Lucie Aubrac : « Résister se conjugue au présent ».

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  3. Diempret e vezomp etre c'hoant ruz a 'n anaout ha torr-kalon ar bout anavezet. Ar broud ne ziouer ket d' e flemm ha ni d' hon goanagiñ.
    Brezhoneg / breton
    Jean-Pierre

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